RELANCE ECONOMIQUE : ‘‘le Mali devrait essentiellement…’’ Modibo Mao MAKALOU
Au lendemain de la visite du Président de la Transition, le Colonel Assimi Goita à Sikasso, votre journal ‘‘l’Essentiel du Mali’’ s’est entretenu avec l’économiste Modibo Mao Makalou. Il a été question de la redynamisation et la relance économique au Mali. L’ancien conseiller aux affaires économiques à la présidence de la République du Mali nous a délivré son expertise pour mieux comprendre l’ouverture des infrastructures à Sikasso, l’endettement du Mali sur le marché sous-régionale, l’emploi des jeunes et des pistes pour la bonne santé l’économie malienne.
L’Essentiel du Mali : Le Président de la Transition vient d’effectuer une visite à Sikasso où il a procédé à l’ouverture de plusieurs infrastructures et la pose de la première pierre de l’Université de Sikasso, la plus grande université du Mali. Quel regard portez-vous sur la portée d’une telle visite ?
Modibo Mao Makalou : En effet, le Président de la Transition, Son Excellence le Colonel Assimi GOÏTA a effectué une visite officielle à Sikasso le samedi 22 juin 2024 pour inaugurer plusieurs infrastructures et lancer le Plan national de réponse à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition. Il s’agissait essentiellement de poser la première pierre de l’Université de Sikasso qui sera construite sur une superficie de 400 hectares. Ce qui permettra de désengorger les universités de Bamako et permettra aux étudiants de la région de Sikasso d’avoir accès à une université polyvalente moderne.
Aussi, la visite du Président de la Transition à Sikasso concernait le lancement du plan national de Réponse à l’insécurité alimentaire et à la malnutrition et l’inauguration du Stade Babemba Traoré rénové.
Quelle analyse faites-vous sur la promesse du Président Assimi de digitaliser l’Administration publique malienne et de la tenue des États Généraux sur la Santé ?
La gouvernance évolue au rythme des évolutions technologiques. Il s’agit essentiellement de mettre en place une plateforme fonctionnelle ou un système numérique pour le développement de la bonne gouvernance, de l’éthique et de la lutte contre la corruption. Selon le Président de la Transition : « Grâce à la résilience du peuple malien, nous avons parcouru un bon chemin. Mais le plus difficile reste à faire : il s’agit de consolider les acquis et de booster le développement de notre pays en renforçant notre économie et en faisant la promotion de l’équité et la lutte contre la corruption, à assainir les finances de l’État et à faciliter l’accès des Maliens aux services sociaux de base. Tout le monde n’aime pas ces mesures, mais il le faut pour permettre au pays d’aller de l’avant », a-t-il déclaré. C’est ensemble, unis et solidaires, que nous réussirons à bâtir un Mali prospère et résilient, un Mali où la corruption et la délinquance financière n’ont plus leur place ».
Il s’agit surtout d’utiliser les technologies numériques pour rationaliser les processus administratifs afin d’améliorer la transparence, l’inclusion et la responsabilité. Toutefois, les technologies numériques peuvent comporter des failles techniques qui pourraient miner les processus et empiéter sur les libertés fondamentales si une gouvernance numérique n’est pas effective au préalable.
Sur le marché financier sous-régional, l’État s’endette de plus en plus. Est-ce vous voudriez dire que la solvabilité de l’État est menacée ?
Avec plus de 7 milliards d’euros de dettes pour un taux de croissance de 3,5 % annuel en 2023, selon conjoncturesconomiques.net, le Mali continue d’émettre des titres sur le marché de l’Umoa.
Malgré une légère hausse de la dette publique qui est passée de 47,3% du PIB en 2020 à 53,7 en 2023, l’État malien a encore recours à des emprunts publics qui coûtent de plus en plus chers malgré des durées de plus en plus courtes pour financer son déficit budgétaire. C’est ainsi que selon les prévisions du ministre de l’Économie et des Finances, ce sont environ 1443 milliards F CFA de titres publics qui vont être émis sur le marché courant 2024.
Toutefois, prudence est de mise pour les titres publics car avec le resserrement de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation, le Comité de politique monétaire de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a décidé de relever de 25 points de base le principal taux directeur le 16 décembre 2023, le taux d’intérêt auquel la BCEAO prête aux banques commerciales, le haussant à 3,5% et ce taux a été maintenu lors de la dernière réunion du Comité de Politique Monétaire du 6 mars 2024. Cela est fait pour contrer la hausse de l’inflation qui a contribué à renchérir le crédit et à faire baisser substantiellement les offres des investisseurs sur le marché régional des titres publics réduisant ainsi les montants mobilisés par les États auprès des investisseurs qui sollicitent un rendement plus élevé suite à la hausse du taux directeur de la BCEAO. À cela, l’économiste ajoute que le montant disponible pour le refinancement des banques risque de continuer à reculer en 2024.
Sur la relance socio-économique, comment voyez-vous la marche de la transition et les grands acquis en matière de croissance économique ?
Pour relancer son économie, le Mali devrait essentiellement utiliser la politique budgétaire ou fiscale qui constitue le meilleur instrument de politique économique conjoncturelle. Il s’agira essentiellement à travers les dépenses publiques de cibler les secteurs clés et les services de base essentiels , comme l’agriculture, l’éducation, la santé, la protection sociale, l’eau potable, l’industrie, les logements, le développement urbain et l’assainissement, de même que des infrastructures de base de qualité qui ont une forte incidence sur la réduction des inégalités, surtout parmi les couches les plus vulnérables, notamment le secteur informel, les femmes, les filles et les jeunes mais aussi d’augmenter, de diversifier et de transformer la production nationale. Stimuler la production d’aliments et d’engrais, améliorer les systèmes alimentaires, soutenir les ménages les plus vulnérables et les producteurs vulnérables pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle
Dans la plupart des pays subsahariens, l’emploi des jeunes est un défi que plusieurs Gouvernements ont peine à relever. La transition fera-t-elle l’exception ? Quel rôle peut jouer le CNPM dans cette démarche ?
La problématique de l’employabilité des jeunes est un enjeu majeur auquel notre société est confrontée. Il est crucial de mettre en place des solutions concrètes pour faciliter l’accès à l’emploi des jeunes diplômés et non-diplômés.
Seule une approche globale et concertée permettra de relever ce défi et d’offrir de réelles perspectives d’avenir à notre jeunesse. C’est l’affaire de tous – pouvoirs publics, entreprises, établissements de formation – de s’engager résolument dans cette voie.
Les entreprises doivent prendre leurs responsabilités et offrir davantage d’opportunités d’emploi et de stages aux jeunes diplômés. Une meilleure collaboration entre le milieu académique et le monde professionnel permettrait de mieux préparer les jeunes aux réalités du marché de l’emploi. De plus, les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer en mettant en place des politiques volontaristes pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.
Des initiatives telles que la formation professionnelle, les stages rémunérés et l’accompagnement personnalisé sont essentielles pour développer les compétences et l’expérience recherchées par les employeurs. C’est en conjuguant tous les efforts que nous pourrons relever ce défi et offrir de meilleures perspectives d’avenir à notre jeunesse.
Entretien réalisé par S. Sanogo
Source : l’hebdomadaire ‘‘l’Essentiel du Mali’’