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DELESTAGES : les conséquences économiques et les perspectives selon Modibo M. Makalou

« Les coupures d’électricité récurrentes ou délestages peuvent provoquer une baisse du PIB de 2 % à 5 % selon la fréquence des coupures qui affectent la production des entreprises et la consommation des ménages », analyse l’économiste malien Modibo Mao Makalou. Interview !

Le Focus : Nous assistons à des coupures récurrentes d’électricité. Quelles peuvent en être les causes ?

Modibo Mao Makalou : La puissance en pointe sur le réseau interconnecté au Mali est estimée à environ 400 mégawatts en période de grandes chaleurs sur le réseau interconnecté et la demande annuelle d’électricité est évaluée à environ 10 % qu’EDM-SA n’arrive pas à satisfaire entièrement. La demande étant largement supérieure à l’offre engendre donc un déficit qui doit être comblé par une production (offre) additionnelle qui nécessite des charges additionnelles.

Les centrales thermiques et les groupes électrogènes louées auprès des sociétés privées qui ont fourni 70,92 % de la production d’énergie en 2018 sont passés à 79 % en 2021 tandis que les achats de combustibles et d’énergie qui se chiffraient à 171,16 milliards F CFA en 2018 ont augmenté à 237,8 milliards F CFA en 2021.

Selon le conseil d’administration d’EDM-SA du jeudi 18 février 2021, le résultat net prévisionnel  était déficitaire de 43,45 milliards F CFA en 2020 était de 39,09 milliards F CFA en 2021 malgré une subvention de l’Etat d’un montant de 60 milliards F CFA. Il faudra surtout souligner que l’écart entre le coût de production par rapport au prix de vente du kilowattheure par EDM-SA est significatif (-51,55 F CFA) en 2021.

Suite aux manques de financement à moyen et long terme pour les investissements, les réseaux d’EDM-SA connaissent de nombreux dysfonctionnements tels que la surcharge des lignes de transport et de distribution ainsi que la saturation des postes sources dus à la croissance de la demande. Ces contraintes d’exploitation restreignent les capacités de transit de l’énergie vers la clientèle. Ce qui constitue un manque à gagner non négligeable seulement pour EDM-SA.

Les Focus : Quelles peuvent être les conséquences de ces coupures pour les entreprises ?

M. M. : Le secteur de l’énergie couvre des enjeux forts importants en termes de développement économique. Il existe une corrélation positive entre la demande d’énergie et la croissance économique. En réalité, au Mali la demande énergétique augmente plus rapidement que l’évolution du produit intérieur brut (PIB) qui mesure l’activité économique. Ceci pose non seulement d’une part un problème de productivité et de compétitivité, mais d’autre part aussi des difficultés de sécurité d’approvisionnement énergétique. Le PIB du Mali (production nationale) croit d’environ 5 % par an en moyenne contre 14 % pour la demande d’énergie primaire hors biomasse et plus de 10 % pour l’électricité. Les coupures d’électricité récurrentes ou délestages peuvent provoquer une baisse du PIB de 2 % à 5 % selon la fréquence des coupures qui affectent la production des entreprises et la consommation des ménages.

Le Focus : Qu’est-ce que les énergies nouvelles représentent comme opportunité pour le Mali pour arriver à l’autosuffisance énergétique ?

M. M. : En effet, l’exploitation des énergies renouvelables est assez faible au Mali malgré son énorme potentialité, nous pouvons noter que les énergies renouvelables pourraient surtout contribuer à pallier le déficit d’électricité d’environ 300 MW. Pour ce qui concerne les opportunités pour développer les énergies renouvelables (hydraulique, solaire, et éolienne) elles sont largement sous-utilisées. En effet, seulement 250 MW d’énergie hydro-électrique sont exploités à ce jour sur les fleuves Niger et Sénégal dont le potentiel s’élève pourtant à 1 GW. Selon l’inventaire des sites d’hydroélectricité sur l’ensemble du territoire national, 25 % seulement du potentiel estimé en termes de puissance est utilisé, soit environ 1GW. Le Mali pourrait devenir un grand producteur d’énergie solaire car il bénéficie de 7 à 10 heures d’ensoleillement par jour toute l’année (avec une irradiation moyenne de 5 à 7 kWh/m2 /J contre une moyenne mondiale estimée à 4-5 kWh/m2/J). En 2021, le mix énergétique d’EDM-SA n’était constitué que de 3 % de solaire sur la production totale d’électricité contre 28 % pour l’hydroélectricité, 51 % pour le thermique et 18 % pour les importations.

Ainsi, il serait important de diversifier le parc de production énergétique en exploitant le potentiel hydroélectrique du pays, en prenant en compte les potentialités offertes par le solaire, les biocarburants et l’éolien pour accroitre l’offre d’électricité et le taux d’interconnexion au réseau électrique de la sous-région tout en diminuant les coûts de production qui sont élevés suite à la part majoritaire de la production thermique, de la hausse substantielle des coûts des hydrocarbures et de l’appréciation du dollar par rapport au F CFA. Par ailleurs, il importe d’adapter les prix de vente de l’électricité qui sont restés relativement constants ces  20 dernières années aux coûts de revient pour permettre à EDM-SA d’atteindre son équilibre financier et de pouvoir satisfaire la demande de ses clients.

Aussi, la révision et la mise à jour du Document de la Politique énergétique nationale (PEN) qui date de 2006 de même que la mise en œuvre du plan de développement 2022-2026 pour mobiliser 580 milliards F CFA pour les investissements se révèle une impérieuse nécessité, la mise à jour et l’adaptation des textes réglementaires et des différentes stratégies nationales des sous-secteurs de l’énergie, est indispensable afin de les rendre plus cohérents et opérationnels notamment pour ce qui concerne les investissements dans les Energies Renouvelables.

Source : L’hebdomadaire malien ‘‘Le Focus’’ (le titre est de lndiscret.net)