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L’INDUSTRIALISATION : un pilier de la croissance en Afrique

L’Agenda 2063 de l’Union Africaine qui contient la vision des dirigeants africains à l’horizon 2063 énonce comme première aspiration « une Afrique prospère fondée sur une croissance inclusive et un développement durable ». Des études empiriques suggèrent qu’une croissance économique forte, soutenue, inclusive et bien partagée est un des meilleurs moyens pour réduire la pauvreté car elle permet d’augmenter les revenus des populations vulnérables, améliorant ainsi leurs pouvoirs d’achat  et conditions de vie.

Toutefois, dans un monde en profonde mutation, toutes les nations deviennent de plus en plus interdépendantes s’exposant ainsi irrémédiablement à l’instabilité macroéconomique et  financière. La mondialisation de l’économie a d’une part contribué positivement à la croissance économique mondiale ces dernières années, mais d’autre part sensiblement  accentué les risques de chocs exogènes des économies des pays.

La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) estime que le produit intérieur brut de la plupart des pays africains pourrait enregistrer jusqu’à 3 % d’augmentation avec l’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) une fois que tous les droits de douane auront été éliminés, à condition que les règles d’origine soient simples et favorables aux entreprises.

Selon le cabinet américain McKinsey, une accélération de l’industrialisation en Afrique pourrait mener à un changement de la productivité et à la création de six à quatorze millions d’emplois stables au cours des dix prochaines années (McKinsey 2016).

L’industrialisation est un levier important qui permettrait aux pays africains d’atteindre des taux de croissance plus élevés, de diversifier leurs économies et de réduire leurs vulnérabilités aux chocs extérieurs.

Cela contribuerait substantiellement à la création d’une croissance économique, forte, durable et inclusive, créatrice d’emplois et de richesses. L’industrialisation a aussi un effet multiplicateur sur l’emploi car chaque emploi dans le secteur manufacturier crée environ 2,2 emplois dans d’autres secteurs.

Cependant, l’Afrique est la région la plus faiblement  industrialisée dans le monde. La part de l’Afrique dans les exportations manufacturées dans le monde représentait environ 1,8 % comparée à plus de 16 % pour l’Asie de l’Est. De plus, le secteur industriel en Afrique est en régression nette, il représentait 18 % du PIB en 1975 mais ne représentait plus que 11 % en 2015.

En 2022, selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), l’Afrique ne représentait que 2,7 % des chaînes de valeurs mondiales contre 26 % pour l’Amérique latine et les Caraïbes et 43 % pour l’Asie en développement. Aussi, en moyenne, en 2016, l’industrie générait 700 $ (350 000 F CFA) par habitant en Afrique, contre 2500$ (1 250 000 F CFA) en Amérique latine et 3400 $ (1 700 000 F CFA) en Asie du Sud Est selon la Banque africaine de développement (Bad).

En 2019, le PIB industriel de l’Afrique a augmenté de 17 % pour atteindre 731 milliards de dollars, la valeur ajoutée de la fabrication ayant bondi de 39 %, selon la Banque africaine de développement (Bad).

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L’industrialisation s’accélère en Afrique, en effet trente-sept des cinquante-deux pays africains ont vu leur niveau d’industrialisation s’accroître au cours des onze dernières années, selon un nouveau rapport publié en 2023 par la Banque africaine de développement (Bad), l’Union africaine (UA) et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi).

L’analyse empirique démontre qu’une vision stratégique et une véritable politique industrielle est indispensable pour la transformation et le développement durable de l’Afrique. L’industrialisation permet de diversifier, d’améliorer la productivité, de même que la compétitivité des économies africaines et de préserver ces économies des chocs extérieurs tout en renforçant leurs résiliences en créant de nombreux emplois et de la valeur ajoutée. Surtout le secteur industriel, s’il est productif peut avoir un effet de levier sur la productivité des autres secteurs de l’économie.

La création des parcs industriels et de zones économiques spéciales (ZES) en Ethiopie, en Ouganda, au Maroc, au Ghana et dans d’autres pays africains sont des modèles à répliquer. En Ethiopie, la valeur ajoutée manufacturière a été multipliée par quatre entre 2010 et 2019, pour atteindre près de 5 milliards de dollars.

Le Ghana a adopté une stratégie claire pour l’industrialisation, qui est axée sur l’amélioration des conditions de l’activité des entreprises et le développement de zones économiques spéciales (ZES) pour l’exportation. Et en Ouganda, le secteur industriel est passé en 2019 de 20 % à près de 30 % du PIB grâce à d’importants investissements dans le secteur industriel.

Toutefois, l’industrialisation ne doit pas être considérée comme une panacée. Cependant, il est temps que les pays africains qui représentent 18 % de la population mondiale veulent occuper une place de choix dans l’économie mondiale et dans le concert des nations prospères, ils doivent impérativement mettre en place un cadre institutionnel rationnel et performant en appliquant concomitamment des politiques publiques adaptées et efficientes dans une optique de développement durable en établissant un savant dosage entre la croissance économique, le développement humain et social, et la préservation de  l’environnement.

Bamako, le 2 avril 2023

Modibo Mao Makalou

Économiste et gestionnaire financier