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Pouvoir d’achat, la recette de l’économiste malien Modibo Mao Makalou

« Il va falloir prendre des mesures idoines pour faire face à la hausse généralisée des prix afin d’améliorer le pouvoir d’achat des Maliens, en subventionnant temporairement les produits de première nécessité et en faisant des transferts monétaires pour les couches les plus vulnérables ». Telle est la recette que propose Modibo Mao Makalou, économiste, qui s’est prêté à nos questions sur la hausse des prix et la baisse du pouvoir d’achat des Maliens. Entretien.

Le Focus : Pouvez-vous nous parler des causes de la hausse des prix dans la sous-région en général et au Mali en particulier ?

Modibo Mao Makalou : L’inflation est une hausse généralisée et durable des prix des biens et services. Elle se traduit par une dépréciation de la monnaie qui a cours dans le pays, puisqu’un même montant permet de se procurer moins de biens et services qu’auparavant, ceci équivaut à une baisse du pouvoir d’achat.

Le taux d’inflation désigne la variation (en pourcentage) que les prix enregistrent au cours d’une période donnée. L’instrument statistique de mesure de l’évolution du niveau général des prix dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) est l’Indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) des ménages.

L’IHPC peut varier d’une période à l’autre sur une base qui peut être mensuelle, trimestrielle, en glissement annuel ou en moyenne annuelle. L’IHPC en moyenne annuelle est l’indicateur au niveau de l’Uémoa qui permet d’indiquer l’évolution des prix.

Actuellement, le pouvoir d’achat constitue un défi pour le monde entier. Les prix de l’alimentation, des transports et des intrants agricoles ont beaucoup augmenté, de même que ceux de l’énergie suite à la hausse du prix du baril de pétrole et de l’appréciation du dollar par rapport à l’euro et au franc CFA.

Notons par ailleurs que le carburant est un facteur déterminant du coût de la vie, car le prix du transport affecte tous les produits, y compris ceux de l’énergie, des transports et de l’alimentation.

Depuis la crise financière de 2008-2009, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), une telle hausse des prix n’avait jamais été remarquée dans les 5 groupes de denrées alimentaires, les prix n’ont jamais atteint une telle proportion dans le monde.

Dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa), qui regroupe les 8 pays qui partagent le F CFA, il y a eu une hausse des prix de 6 % en décembre 2021 et de 6,8 % en juin 2022 bien que l’inflation (la hausse des prix) est plafonnée selon les critères de convergence macroéconomiques à 3 %.

Le Focus : Sans compter qu’un déficit pluviométrique qui est à craindre chez nous peut encore pousser à la roue la hausse des prix sur le marché…

M. M. : L’économie malienne est résiliente suite à son exposition constante aux chocs exogènes. La pluviométrie est déterminante pour obtenir une bonne campagne agricole, source d’une croissance économique inclusive. Le Mali est essentiellement un pays agro-sylvo-pastoral et la contribution du secteur primaire au produit intérieur brut (PIB) est de 40 %.

Au niveau structurel, on peut constater aussi des faiblesses au niveau de la balance commerciale (exportations et importations). En effet, la quasi-totalité des exportations (or, coton et animaux vivants) ne sont pas transformés tandis que la quasi-totalité des importations est manufacturée, créant de facto un déséquilibre de la balance commerciale.

Le Focus : Quelles sont les solutions pour juguler l’inflation et améliorer le pouvoir d’achat des Maliens ?

M. M. : Ce qui est préoccupant au Mali, c’est le fait que nous soyons un pays enclavé, c’est-à-dire sans façade maritime sans compter les impacts négatifs de la crise multidimensionnelle.

Par ailleurs, à la suite des sanctions occidentales, les livraisons des exportations russes et ukrainiennes sont freinées ou suspendues, le renchérissement déjà observé de ces produits sanctionnés va s’accentuer. L’Ukraine et la Russie représentent plus de 1/3 des exportations mondiales de céréales, soit environ 20 % du commerce mondial de maïs, 30 % de blé et 70 % d’huile de tournesol. De surcroît, la Russie est un exportateur majeur de pétrole et de gaz.

Quand vous additionnez tous ces phénomènes ça pose beaucoup de problèmes pour notre économie bien qu’elle soit résiliente. Il va donc falloir prendre des mesures idoines pour faire face à cette hausse généralisée des prix afin d’améliorer le pouvoir d’achat des Maliens notamment en subventionnant temporairement les produits de première nécessité et en faisant des transferts monétaires pour les couches les plus vulnérables.

Cela va représenter un gros défi pour l’Etat déjà qu’il abandonne une partie de ces recettes pour que le prix à la pompe soit abordable pour les citoyens, car les subventions engendrent des pertes de recettes fiscales et les transferts font augmenter les dépenses budgétaires et la dette publique.

Propos recueillis par A. M. Thiam (Le Focus)

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