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BIENNALE/Mali : Le défi sécuritaire surmonté par la résilience artistique et culturelle

Le vrai gagnant est le peuple malien qui vient une fois de plus d’exprimer sa résilience par les arts et la culture.

Les rideaux sont tombés sur l’édition 2023 de la Biennale artistique et culturelle, le dimanche  16 juillet 2023 au stade Baréma Bocoum de Mopti avec le sacre de la région de Ségou. En effet, le jury de 9 membres a classé la Cité des Balanzans sur la plus haute marche du podium devant les nouvelles régions de Bougouni et de Dioïla. Quant à Mopti, elle a brillamment gagné le pari de l’organisation avant de  passer le flambeau à Tombouctou désignée pour abriter l’édition 2025.

Contrairement à certains acteurs culturels qui semblent ne pas apprécier cette reprise (du moins dans le format actuel), nous pensons qu’il faut saluer cette initiative. Et cela d’autant plus que, dans le contexte actuel, les Maliens ont plus que jamais besoin de se rencontrer, de se découvrir, de se donner la main pour aller dans le même sens.

« Le Mali : Une histoire commune, une seule Nation, un même destin » ! Tel était le thème central de la Biennale artistique et culturelle « Mopti 2023 » (6-16 juillet 2023). Une symbolique reprise après l’édition 2010 dans la Capitale du Kénédougou (Sikasso). Mais, aussi une première puisque cette édition a réuni 19 régions, dont Kidal, et le district de Bamako.

Dans une saine émulation, les jeunes du Mali ont fait parler leur créativité pour rivaliser dans des disciplines comme l’ensemble instrumental traditionnel, le solo de chant, la pièce de théâtre, la musique d’orchestre, la danse traditionnelle et le chœur. Les conférence-débats ont également abordé des thèmes pertinents en relation avec l’actualité… L’objectif visé étant de promouvoir les expressions artistiques et culturelles.

Et au finish, les prix ne pourront pas effacer cette fierté d’avoir été pour apporter sa pierre à l’atteinte de cet objectif. Et le vrai gagnant est le peuple malien qui vient une fois de plus d’exprimer sa résilience par les arts et la culture. « L’organisation de cette Biennale à Mopti montre que le Mali, pays des hommes d’honneur, est résilient et reste debout malgré toutes les adversités », a d’ailleurs rappelé Andogoly Guindo, ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme.

« La Biennale est donc une œuvre nationale, un appel au sursaut patriotique, un espace de communion de solidarité et une résistance culturelle et un refus clair de l’obscurantisme. La Biennale c’est culturel, c’est 10 jours de tissage, de liens, de brassage. Des idées et des rencontres des esprits », a souligné le Premier ministre, Dr. Choguel Kokalla Maïga, qui a représenté le président de Transition à la cérémonie d’ouverture.

Et de rappeler : « La Biennale est l’affaire de la nation tout entière et elle apparaît comme un espace privilégié d’éducation de la jeunesse, de manifestations, de solidarité et de moyens de consolider l’union nationale. D’un point de vue pédagogique la biennale est comme une école de formation artistique et culturelle ».

Surmonter nos peurs, s’affranchir des préjugés socioculturels

Nous aimons le terme « résistance culturelle » avancé par le PM. C’est quand même un pari audacieux, voire fou que de réunir la communauté culturelle dans toute sa diversité pour célébrer la Biennale dans ce contexte sécuritaire dans une zone qui, ces dernières années, est fréquemment confrontée aux attaques terroristes et aux conflits communautaires.

Mais, la volonté de « magnifier les idéaux et les valeurs », permettant de renouer avec l’histoire de notre pays et notre héritage commun, indivisible dans son essence, a été plus forte. Les Maliens ont démontré que si on les laisse entre eux, ils peuvent surmonter leurs peurs et s’affranchir de tous les préjugés pouvant les éloigner les uns des autres.

Ce qui fait que, sans être minimisé à aucun moment, le défi sécuritaire s’est effacé face à la résilience artistique et culturelle d’un peuple, d’une jeunesse. Ce pays tient encore débout parce que nous n’avons jamais oublié que « la culture est l’âme vivifiante d’un peuple » et que nous ne pourrons jamais surmonter toutes ces crises et ces épreuves le plus souvent imposées de l’extérieur en oubliant qui nous sommes, d’où nous venons, qui sont nos repères et quelles sont nos références.

« L’organisation de cette édition de la Biennale artistique et culturelle à Mopti, montre que le Mali reste debout et notre peuple est confiant en son avenir, déterminé à vaincre l’hydre terroriste grâce aux Forces de défense et de sécurité… », a rappelé le Premier ministre. Notre patrie est encore débout grâce à sa « culture millénaire porteuse de valeurs comme celle d’être un facteur de cohésion sociale, de brassage des populations ». D’où la pertinence de la reprise de la biennale, même si certaines auraient aimé que le format puisse changer.

Mais, nous devons toujours avoir à l’esprit que la Biennale a été le tremplin de la modernisation de la musique malienne à travers des orchestres légendaires (Kanaga, Kéné Star, Koulé Star, Super Biton, Bronconi, Songhoy Star, Diaba Régional, Super Djata Band, Super Rail Band, National Badema, Félou Star…) qui ont été des outils de promotion et de pérennisation de nos terroirs culturels et artistiques. Elle a aussi été le ciment de l’unité nationale en créant les conditions réelles du brassage. Au fil des éditions, elle a énormément contribué à briser les préjugés socioculturels et linguistiques entre les filles et les fils du pays.

Un impact politique indéniable sur l’unité nationale

Certains nous diront sans doute que les semaines nationales et les biennales n’ont pas empêché les rébellions au nord du pays. Si nous avons bonne mémoire, l’édition de 1990 a été même annulée à la dernière minute à cause d’une rébellion conduite par Iyad Ag Ghali. Certes, mais elles restent circonscrites parce que le nombre réel de populations qui y adhèrent est infime par rapport aux prétentions de ceux qui prennent les armes pour défendre des intérêts personnels sous prétexte des velléités d’indépendance.

Nous sommes convaincus que sans les effets bénéfiques des initiatives sociopolitiques et culturelles comme les semaines nationales et les biennales, la crise que traverse notre pays aurait eu une autre ampleur et les velléités de séparatisme auraient dépassé le cadre de l’Adrar des Ifoghas depuis longtemps.

A l’issue de cette édition 2023, en dehors des trophées et des diplômes de reconnaissance, on peut être sûr que la paix et la cohésion sociale vont disposer de nouveaux ambassadeurs et de nouvelles ambassadrices déterminés à se battre pour le vivre ensemble, pour l’unité nationale. Et cela parce qu’ils auraient compris que, en réalité, peu de choses nous distinguent les uns des autres et que l’appartenance à un même pays, à une même nation est le sentiment le plus noble que nous puissions aujourd’hui éprouver.

Comment rester insensible à ces propos d’un responsable de la troupe de Kidal qui s’est dit fier et heureux de venir côtoyer d’autres jeunes du Mali ?

Moussa Bolly

Source : hebdomadaire malien ‘‘Le Focus’’

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