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SEL, SUCRE, GRAS : quelles conséquences de nos habitudes alimentaires ?

Nous consommons à longueur de journée du salé, du sucré et surtout du gras parfois en quantité incontrôlée. Sans même se demander si ce que nous mangeons est bon ou mauvais pour notre santé. Quelles sont les conséquences de nos habitudes alimentaires ?

Nous sommes dans la famille Coulibaly à Nafadji en Commune I du district de Bamako. C’est une famille moyenne un peu plus grande qu’une famille nucléaire : deux frères, quatre épouses et une douzaine d’enfants. Il est 7 h, le petit-déjeuner commence.

L’ambiance est bon enfant. Les plats sont constitués de bouillie à base du riz et le reste du diner, du tô réchauffé. Les enfants mangent ensemble à part, les femmes aussi. Le jeune frère du chef de famille mange seul. Le chef de famille a déjeuné un peu plus tôt et est parti avant notre arrivée. Trente minutes après, le déjeuner est terminé. Les enfants débarrassent les ustensiles.

Aujourd’hui, nous coïncidons avec le dernier jour de service de cuisine d’Aminata. En fait, les femmes assurent le service de cuisine à tour de rôle en raison de deux jours par tour. Aminata, puisqu’aujourd’hui c’est son tour, prend le prix de la popote (nassongo), prend un seau dédié spécifiquement aux courses de la popote et se rend au marché situé à environ 500 mètres de là. Elle n’a pas accepté pas que nous l’accompagnions au marché. Nous l’attendons donc à la maison.

Plus d’une heure après, elle est de retour. Les enfants accourent pour l’accueillir et l’entourent en sursautant. Elle déballe le seau, sort des jus et des galettes pour les enfants. Ceux-ci se calment et vaquent à leurs jeux. Avec un soupir et une mine un peu serrée, elle nous déballe le contenu du seau.

Elle commence par se plaindre du prix élevé des condiments au marché. Elle en a acheté pour les différents repas de la journée, notamment le déjeuner et le diner. Dans son seau, se trouvent deux sachets noirs de gombos pour le diner, quelques gousses d’oignons pour le déjeuner.

Il y a aussi des assaisonnements. La viande, des bouillons, du persil, du macaroni, un quart d’huile, une aubergine, un quart d’huile de palme, quelques grammes de concentré de tomate et d’autres petits condiments qui remontent le goût. Elle entre ensuite dans la cuisine pour préparer le déjeuner.

Vers 14 h, Aminata en ressort avec le déjeuner. La famille se réunit à nouveau autour des plats. Mais cette fois-ci, ce sont les femmes et les enfants qui mangent. Les hommes de la famille sont tous allés au centre-ville pour travailler. Après le repas, elle fait la vaisselle. C’est le moment de la pause thé et de la causerie.

Elle rompt la pause avec les autres après 18 h et se rapproche de la cuisine pour préparer le diner, le repas principal. Elle prépare du riz avec sauce gombo. Entre-temps, les chefs de famille sont de retour à la maison. D’abord le jeune, puis l’aîné. Le repas est déjà prêt, mais c’est aux environs de 22 h que les membres de la famille sont appelés à manger. Les hommes mangent en premier, puis les femmes. La plupart des enfants dorment déjà. Ils ont pris un inter repas avant d’aller au lit. Le reste du diner sera réchauffé le matin et servira de petit-déjeuner.

Les Coulibaly sont représentatifs de beaucoup de familles à Bamako. Cette habitude de consommation qui est le quotidien de beaucoup de Bamakois est-elle nutritive pour le corps ? Pour en savoir davantage, nous avons approché Dr. Youssouf Traoré, nutritionniste, chargé d’appui technique au point focal SUN OSC, responsable du volet santé et nutrition de l’ONG CSPDA.

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Dr. Youssouf Traoré, nutritionniste

Le Focus : Quelle est l’alimentation de base des Bamakois ?

A Bamako, ce qui est le plus consommé en termes de céréales, c’est le riz en mets divers. Il y a le riz au gras, le riz avec la sauce d’arachide, le riz avec la sauce d’oignon, la sauce de feuille. Cela constitue les repas de midi et du soir. Mais le matin, généralement c’est le pain qui l’aliment de base mélangé à d’autres types d’aliments et dans une moindre mesure les beignets traditionnels.

Quels sont les apports nutritifs de ces aliments ?

Globalement, ce sont des aliments énergétiques. Ce sont des glucides qui apportent les énergies nécessaires à l’organisme pour pouvoir bien fonctionner. Cependant, quand on parle de la diversification des aliments, notre consommation de fruits et légumes est très rare. Or, les fruits et légumes jouent un rôle très important parce qu’ils contiennent beaucoup de vitamines. Ce sont des aliments de protection qui sont bons pour les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes en état de convalescence.

La consommation du Malien en fruits et légumes est très faible et nous ne buvons pas assez d’eau. Or, la quantité d’eau dont l’organisme a besoin est fonction du type d’aliment que nous mangeons. Il y a des types quand on les mange, il va falloir apporter plus d’eau. Par contre, d’autres ne nécessitent pas beaucoup d’eau. Au-delà de cela, la plus grande partie de la population de Bamako mange les repas du matin et de midi dehors. Et ce n’est pas sûr que ceux qui préparent ces aliments tiennent compte de nos besoins alimentaires.

Vous venez d’évoquer la fréquence des repas qui est généralement de trois par jour. Cette fréquence est-elle idéale ?

Cela dépend. D’abord, si elle permet d’avoir un régime alimentaire suffisant qui va apporter à l’organisme la quantité qu’il faut pour son bon fonctionnement. S’il s’agit d’une alimentation diversifiée qui comporte l’ensemble des nutriments essentiels au fonctionnement de l’organisme. S’il s’agit d’une alimentation saine qui ne serait pas source de maladie pour l’organisme. Enfin, s’il s’agit d’une alimentation équilibrée. Autrement dit, 60 % de glucides (céréales, tubercules, etc.), 35 % de lipides (gras) et 15 % de protéines (poissons, viandes, arachides, etc.) En plus, il faudrait plus de légumes et de fruits qui favorisent le mécanisme de défense de l’organisme.

En rentrant du travail, certains ont pour habitude d’apporter la viande ou du poisson. Que pensez-vous de cette habitude surtout pendant la nuit ?

Le poisson et la viande sont aussi riches en lipides qu’en protéines. La consommation des protéines est très bonne pour notre santé à condition que cela respecte une certaine proportion. Il ne faut pas que la consommation dépasse une certaine proportion.

L’alimentation peut-elle causer une maladie à l’homme ?

Oui ! Nous sommes ce que nous mangeons. D’ailleurs, c’est ce qui explique la prévalence élevée d’un certain nombre de maladies chroniques tels que le diabète, l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, la goutte. Ce sont des effets de la transition alimentaire. Nous sommes face à une population malienne qui, de plus en plus, privilégie les aliments importés, transformés et conditionnés au détriment de nos mets traditionnels.

Les gens veulent totalement occidentaliser leur alimentation. Ce changement d’habitude alimentaire, ajouté à la consommation excessive du gras, du sucré et du salé et la sédentarité, favorise ces maladies. En mangeant, rassurez-vous que l’organisme a la capacité de transformer et d’utiliser tout ce qui vous mangez. En d’autres termes, vous obligez l’organisme à faire des réserves. Ce sont ces réserves qui se transforment en surpoids, obésité, goutte, etc.

 Il y a aussi une autre habitude que nous constatons fréquemment chez certains qui prennent la sucrerie après chaque repas. Cela est-il conseillé en matière de nutrition ?

Tout bon nutritionniste conseillera de manger moins salé, mois sucré et moins gras. La notion du sucre est une notion de goût. La céréale contient le glucide, les fruits et légumes en contiennent aussi. Ainsi, l’apport des sucres synthétiques doit être diminué. Les inters repas et l’apport successif des aliments trop sucrés sont à éviter.

Au-delà de tout, qu’est-ce qu’une bonne alimentation à adopter ?

Une bonne alimentation est une alimentation équilibrée, variée et saine. Equilibrée c’est-à-dire 60 % glucides, 35 % de lipides et 15 % de protéines. A ne pas oublier les fruits et légumes, mais aussi l’eau.

Cette bonne alimentation est-elle aujourd’hui à la portée du Malien lambda ?

Bien sûr, elle est à la portée de tout le monde. Par exemple, quelqu’un qui n’a que le mil va se dire pauvre et dira qu’il n’a que cela. Mais, cette personne devrait se demander quel type de mets elle peut faire avec le mil. Or, avec seulement le mil, on peut varier son alimentation durant toute la semaine et avoir les apports nutritionnels différents. Le tô n’a pas le même apport nutritionnel que le couscous, ni la crème.

La question d’hygiène incombe à chacun de nous. Avec différents revenus, on peut manger et apporter les éléments nécessaires à l’organisme pour sauvegarder notre santé.  Généralement, on constate au Mali que les gens mangent en fonction du goût. C’est bon, c’est doux. Mais, est-ce ce qu’il faut ? On ne mange pas pour remplir le ventre. On ne mange pas parce que c’est bon et succulent. On mange pour répondre à des besoins.

Yacouba Traoré

Source : l’hebdomadaire le Focus