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ÉCHALOTE : l’impact de la labellisation hypothéqué au Mali

La crise multidimensionnelle qui secoue le Mali depuis 2012 s’est progressivement déplacée du Nord vers le Centre du pays en affectant deux secteurs vitaux : l’élevage et surtout la culture de l’échalote dans le pays Dogon !

Si le mil est la base de l’alimentation du Dogon, la culture de l’oignon est essentielle à l’économie locale puisque la production est exportée dans les villes et sert généralement de monnaie d’échange avec les autres ethnies (par exemple pour l’achat de poissons aux Bozos). Cette culture représente près d’un tiers des surfaces cultivables de la falaise. Et la production permettait de maintenir le prix de l’échalote à un niveau raisonnable sur les différents marchés du pays, ceux de la capitale notamment.

D’après une étude intitulée « Productivité et rentabilité financière des cultures maraîchères au plateau dogon : cas de l’échalote » (réalisée par Beidari Traoré et publiée dans la Revue malienne de science et de technologie), « la culture de l’échalote se révèle très rentable ».

En effet, pour chaque franc CFA investi dans la production d’échalote, les agriculteurs peuvent réaliser un bénéfice net de 1,13 F CFA, soit un taux de rentabilité de 113 %. « Cette activité agricole lucrative permettait aux agriculteurs d’obtenir un retour financier significatif sur leur investissement », explique Beidari Traoré à « Sciences de chez nous ».

Cette culture est aujourd’hui classée comme un patrimoine des Falaises. En effet, après 13 ans d’efforts inlassables, l’échalote de Bandiagara a enfin obtenu la reconnaissance internationale souhaitée et méritée. Ainsi, le 4 juin 2023, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) l’a officiellement enregistrée en tant qu’Indication géographique protégée (IGP), soulignant  « la qualité exceptionnelle de ce produit malien sur le marché mondial ». Cette reconnaissance marque une étape historique pour la région de Bandiagara, où elle occupe une place centrale dans l’économie locale.

« La validation des études pour la reconnaissance de l’échalote de Bandiagara est un long processus qui a débuté depuis 2010. Mais les différentes crises sociopolitiques avaient ralenti le processus de labellisation », confie Fatoumata Siragata, directrice du Centre malien de la propriété industrielle (Cemapi), à « Sciences de chez nous ». Et d’ajouter, « cette labellisation contribuera davantage au développement de la filière en ouvrant de nouveaux marchés et en augmentant le prix de vente. Ce qui serait bénéfique pour les producteurs maliens ».

Il faut rappeler que l’échalote est une variété d’oignons caractérisée par sa petite taille et ses bulbes multiples et groupés, offrant un goût unique et caractéristique, à mi-chemin entre celui de l’oignon et de l’ail. Le développement de cette culture dans notre pays a commencé au XIXe siècle dans le plateau Dogon, avant de se propager dans plusieurs localités du Mali, notamment dans la zone de l’Office du Niger. En novembre 2009, face à l’envahissement du marché par de nombreux concurrents, tels que des oignons en provenance de Hollande, de l’ail de Chine, l’échalote de Bandiagara avait su résister aux nouvelles concurrences, aussi bien nationales qu’internationales.

« Cette production locale s’est construite grâce aux dynamiques d’innovation sûrement collectives », souligne Stéphane Fournier, chercheur à l’Institut agronomique de Montpellier (France), dans une communication présentée à la 116e conférence mondiale de l’Association européenne des économistes agricoles.

Malheureusement, les bonnes perspectives attendues de cette labellisation sont aujourd’hui menacées par l’insécurité qui continue de régner dans la zone de production du pays Dogon.

Dan Fodio (Source l’hebdomadaire malien  »Le Focus »)