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MODIBO MAO MAKALOU, ECONOMISTE : « Il est trop tôt pour l’AES de quitter l’Uémoa »

Après la Cédéao, le retrait des pays de l’AES (Mali, Burkina et Niger) de l’Uémoa et la création d’une nouvelle monnaie commune font débat. Pour éclairer la lanterne des Maliens, le mouvement M5-RFP Mali Kura a organisé une conférence débat sur la question avec comme invité Modibo Mao Makalou et Moussa Diallo qui ont des points de vue divergents sur la question.

Devant un public inquiet des conséquences du retrait de la Cédéao mais partagé entre la création d’une nouvelle monnaie ou rester dans la zone CFA, les deux économistes Modibo Mao Makalou et Moussa Diallo expliquent au mieux leurs positions.

Dans son argumentation, M. Makalou explique d’abord les fonctions d’une monnaie qui sont, d’après ses explications, au nombre de trois. Une monnaie, c’est un moyen d’échange, une réserve de valeur et une unité de compte. Pour lui, il convient d’évaluer les risques et les bénéfices de la création d’une monnaie avant de s’y lancer parce que, dit-il, cela se prépare.

Et Modibo Mao Makalou de prévenir : « Pour avoir une monnaie stable, il faut que ce soit adossée à des réserves de change. Les normes internationales disent qu’il faut de l’or et des devises qui puissent assurer trois mois d’importation pour avoir une monnaie stable. Ces conditions sont-elles réunies ? »

Moussa Diallo, lui, ne passe par quatre chemins. Pour lui, il faut créer notre propre monnaie. Car, il pense que le CFA favorise l’endettement de nos pays. « La création de notre propre monnaie permet de financer le déficit budgétaire. Quand on a notre propre monnaie, le pays peut convertir une partie des avoirs extérieurs en monnaie nationale. Si le Mali avait une Banque centrale, il pouvait acheter l’or de l’orpaillage pour constituer un stock d’or. Le pays ne devrait même pas permettre la sortie de l’or. Actuellement, le Mali n’a que l’endettement pour combler le déficit budgétaire. C’est pourquoi j’exhorte à aller vers la création de notre propre monnaie qui va rendre le pays politiquement plus souverain », défend Moussa Diallo. Toutefois, il recommande des débats francs autour de la question pour clarifier les zones d’ombre avant de lancer l’initiative.

Quid de la monnaie commune de l’AES ?

Rien n’est encore officiel. Mais, beaucoup pensent que le Mali, le Burkina et le Niger sont dans la dynamique de création d’une monnaie commune. Certains vont même plus loin en précisant que cette monnaie s’appellerait le Gourma. En attendant les voix officielles, les spécialistes sont divergents sur la question.

« L’AES a le potentiel. Le Niger produit le pétrole et l’uranium. Le Mali et le Burkina Faso produisent l’or et le coton », reconnaît Modibo Mao Makalou. Mais, précise-t-il, l’AES ne transforme pas. Alors que pour aller vers une intégration économique, l’AES a besoin de faire baisser ces coûts de production, poursuit-il. Autrement dit, accroitre la production, la diversifier et la transformer. Or, ajoute-t-il, cela prend trois à cinq ans minimum.

Cependant, M. Makalou rapporte que la dette globale des trois pays de l’AES auprès de l’Uémoa s’élève à 4575 milliards de F CFA à la date du 31 décembre 2023. « Les pays de l’AES devraient allez vers un changement structurel de leurs économies pour créer de la valeur ajoutée. On peut aller avec l’AES mais il est trop tôt pour quitter l’Uémoa, la Cédéao. Cela se prépare et nous devons réfléchir avant d’agir », conseille-t-il.

Pour sa part, Moussa Diallo rappelle que pour la création d’une monnaie, il faut réunir 3 aspects ; à savoir : l’aspect politique, l’aspect technique et l’aspect économique. Il faut la volonté politique de créer une monnaie. Il faut avoir des bons cadres qui vont gérer la Banque centrale. Enfin, il faut avoir la capacité d’exportation pour avoir les devises internationales, développe M. Diallo.

Il estime les trois pays de l’AES ont les ressorts économiques pour la création d’une monnaie. « Ces pays produisent l’or, exportent le coton. En quittant le CFA, cette monnaie pourrait constituer une devise que les trois pays pourront mobiliser facilement. Il y a aussi la diaspora en termes de transfert de fonds de l’extérieur. Pour le Mali seul le transfert de la diaspora dépasse le milliard de dollars », argumente l’enseignant-chercheur.

Cependant, il s’interroge sur la pérennisation de l’AES. « Nous sommes dans un contexte très changeant. Il suffit d’un changement de régime dans l’un des pays pour que le projet tombe à l’eau », s’inquiète-t-il.

Yacouba Traoré

Source : l’hebdomadaire malien ‘‘Le Focus’’